Un document de janvier 1205,
provenant du manuscrit de Baluze indique les termes d'un acte épiscopal de
Richard, évêque d'Amiens, confirmant les possessions de Notre Dame de Longpré:
..."Si l'un des
chanoines envoie son blé au moulin, il sera moulu sans intervalle, après le
grain qui est sous les meules."
..."je, Hughes de
Fontaines, fait savoir à tous présents et à venir, que je , visant à
l'accroissement de l'église Notre Dame de Longpré, lui ai conféré le moulin et
la maison, constituant toute la tenure que Hubert de Longuet et son fils Gautier
avaient tenue de mon père, Aléaume de bonne mémoire, de ma mère Lorette et de
moi à Longpré, je les ai achetés de leur héritière Emma et ses héritiers, pour
le bien de ladite église, au prix de 55 livres-parisis. L'église les possédera
donc de la manière suivante:
-Ainsi, mon
successeur et moi nous rechercherons, pour le moulin de Longpré, tout ce qui
touche à la grosse charpente et nous l'amènerons audit moulin à nos frais:l'église fera tout l'ouvrage, dans la
forêt comme dans la ville: elle fournira les meules, les conduite, les marteaux, les chevilles, les fuseaux, les auges; elle réparera le fer à moulin s'il se
brise, elle nous rendra les offices d'un meunier, avec un cens de 12 deniers.
-Le grand fer
nouveau sera fait à frais commun. Ainsi donc l'église recevra, à raison de la
mouture , le 4éme boisseau, après paiement de la dîme de toute la mouture et
autre affectations en usage.."
L'énumération des
biens concédés à l'église continue et à la fin est prévue le cas ou un autre
moulin serait élevé dans la ville de Longpré ou ses appartenances: l'église en
ferait comme pour le présent, et y aurait droit de mouture.
Extrait d'une minute du notaire Delasaux (ADS 78H40) "Le 1er mars 1777, le
marquis de Louvencourt, seigneur de Longpré et son épouse déclarent et
reconnaissent être débiteur en leur qualité de seigneur de Longpré envers les
dames prieures et religieuses du couvent de Notre Dame de Moreaucourt, ordre de
Fontevrault établies et demeurant en la ville d'Amiens d'une rente ou redevance
foncière d'un muid de bled mesure d'Abbeville pour chacun an au jour de Saint
Rémy à prendre sur le moulin dudit Longpré, le dit bled à 10 sols près du prix
du septier de maison du marché d'Abbeville, laquelle rente de redevance foncière
de la quantité ci-dessus exprimée, lesdits seigneurs promettent et s'obligent
solidairement l'un pour l'autre sans division et sans dicussion sous les
renonciations de droits requises et de rendre le payement aux dites dames de
Moreaucourt pour chacun an au jour de St Rémy suivant et conformément à la
transaction du 4 février 1366 passé entre les dites dames religieuses et Robert
Dreux seigneur dudit Longpré aux deux sentences des requettes du palais des 15
décembre 1632 et 16 juin 1635 rendue la première contre messire Daniel de
Boulainvillers vicomte de Dreux et la seconde contre messire Abraham de
Boulainviller seigneur dudit Longpré..." Ce moulin seigneurial, confisqué bien
national sera estimé à 10000 livres, il est alors décrit ainsi: "Moulin à eaux à
deux roues avec une maison, chambre occupé par Martin Gauduin"
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Evolution |
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Le plan, situé au-dessus, provient des Archives départementales (99S488/4), il
indique les moulins situés sur la rive gauche de l'Airaines aussi appelée la
grande rivière et ceux implantées sur la rive droite appelée aussi petite
rivière des Louchet. Ce plan à été dressé le 19 février 1806 lors d'un procès
qui durait depuis le 23 thermidor an II (..), entre le sieur Desmaret d'une part
et les sieurs Jacques Renouard (notable) et Victor Gallet (maire) d'autre part
au sujet de la construction d'un moulin à huile élevé par ces derniers. Des
détails de ce procès sont donnés dans un livret présent aux archives
départementale (L903) dont voici un bref résumé:
Le 14 brumaire an 3, le citoyen Hyacinthe Moreau de Longpré demande la permission
de construire un moulin à l'huile. Il est autorisé à faire une retenue de 13
pouces 6 lignes vu qu'à 59 toises de distance à l'amont de son emplacement il
existe le moulin à blé de Desmaret. Le sieur Renouard désire aussi construire un
moulin à l'huile sur un terrain situé à l'aval de M. Moreau dont il est contigu.
Renouard ne pourrait effectuer sa construction si Moreau obtenait la permission
de faire la sienne. L'inspecteur Lejeune qui à l'administration jugeait que
l'établissement d'un moulin à l'huile fut d'utilité publique, situait plus
avantageusement son implantation à l'aval des propriétés de Moreau et Renouard.
Mais voilà, Renouard n'attend pas les autorisations et commence les travaux à
son moulin, et il est enjoint de démonter les ouvrages faits dans la partie
supérieure de la rivière et transfert ses matériaux au lieu désigné par
l'ingénieur Lejeune. Le 10 nivôse de l'an 3, Renouard demande l'autorisation et
malgré le manque de réponse construit son moulin. C'est alors que Desmaret place
une deuxième roue à son moulin destinée à entraîner un moulin à l'huile.
Procès et contre procès s'ensuivront. Mais Moreau n'aura jamais son moulin,
alors qu'il avait eu l'autorisation de construire, certainement avait-il eu
moins d'influence dans la tourmente. Les procès dureront entre les propriétaires
de moulins. Toutes interventions sur le niveau d'eau, tous travaux aux usines,
tous manques d'entretien avaient une incidence sur les usines situées en aval et
étaient prétextes à procès, les propriétaires voyant ainsi aussi la possibilité
d'éliminer la concurrence. L'épaisseur du dossier (pas loin de 40cm) aux
archives départementales relatant ces tracas est révélateur de l'ambiance entre
les usiniers.
En 1806, Antoine
Gauduin entre aussi en conflit avec Louchet, il écrit à l'ingénieur de
l'arrondissement d'Abbeville :
« 1) anciennement,
il n'existait à Longpré que trois moulins à l'huile, celui de Gauduin, celui de
Louis Desmarest et celui du père du receveur général ; ces trois moulins ont
chacun le saut de deux moulins, ayant été battis primitivement à tout autre qui
ont pu se construire depuis l'époque de leur origine.
2) celui de Barthélemy Louchet ayant été construit postérieurement à celui de
Gauduin, et à très peu de distance d'icelui, attenant aux marais à qui il fait
tort par la retenue de ses eaux, il n'est pas étonnant qu'il n'ait pu prendre
que très peu de chute et n'a jamais tourné qu'avec une batterie très légère, ne
faisant que très peu de travail. » Le 18 novembre 1806, le sieur Louchet
Barthélémy rapporte un titre prouvant l'existence de son moulin en 1625.
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Les droits et les devoirs des
propriétaires étaient bien précisés voici la copie d'un décret impérial de 1850
autorisant les sieurs Prévost et Gauduin et les dames veuve Tillier et Docquoy à
maintenir en activité leurs moulins et fixant la réglementation de leur
fonctionnement :
Sous-préfecture d'Abbeville
Au nom du peuple français
Le Président de la République.
Sur le rapport du ministre des travaux publics, Vu les pétitions présentées par
les sieurs Prévost et Gauduin et par les dames Tillier et Docquoy propriétaires
de moulins situés sur la rivière d'Airaines dans la commune de Longpré les
Corps (sic) (Somme), à l'effet d'être autorisés à barrer la rivière pour faire
réparer leurs usines, Vu les pièces de l'instruction régulière à laquelle
l'affaire a été soumise conformément aux circulaires du 19 thermidor an VI et 16
novembre 1834 et notamment les procès verbaux des enquêtes constatant l'absence
d'opposition ;
Le consentement écrit donné par le sieur Jourdain à l'exécution sur son terrain
de divers ouvrages dans l'intérêt des
dames Tillier et Docquoy ;
Les procès verbaux de visite des lieux et les rapports dressés par les
ingénieurs des Ponts et Chaussées le 15 septembre, le 21 octobre 1848, le 13
septembre 1849, les 9 et 23 avril 1850 ;
Le plan des lieux et les profils annexés ;
L'avis du Préfet en forme d'arrêté, du 14 novembre 1849 ;
L'avis du Conseil des Ponts et Chaussées (secteur de la navigation, cours d'eau,
usines des 13 février, 22 mai 1850 ;
Vu les lois des 20 août 1790, 6 octobre 1791 et l'arrêté du gouvernement du 9
mars 1898 (sic), (19 ventose an VI)
Le comité des affaires étrangères, des travaux publics et du commerce du conseil
d'état entendu : décrète ce qui suit:
Article 1er
Les sieurs Prévost et Gauduin sont autorisés à conserver en activité les moulins
qu'ils possèdent sur la rivière d'Airaines dans la commune de
Longpré les Corps Saints (département de la Somme)
Article 2
Le point d'eau de ces usines reste fixé à 80cm en contrebas du milieu du dessus
du seuil en grès d'une porte condamnée
de la maison du sieur Gauduin et donnant sur la Grande Rue, point pris pour
repère provisoire.
Article 3
Indépendamment de la vanne motrice, il y aura 4 vannes de décharge présentant
ensemble un débouché libre de 3,50m
La sole gravière de ces vannes sera abaissée à 0,90m au-dessous du point d'eau,
c'est à dire à 1,70m en contrebas du
repère provisoire ; Le sommet de ces vannes sera arasé uniformément au niveau du
point d'eau. Il sera établi près du vannage de décharge un déversoir de
superficie en bonne maçonnerie, couronné de pierre de taille ayant 4m de
longueur et son couronnement arasé au même niveau que le sommet du vannage. Moulin des dames
Veuve Tillier et Docquoy
Article 4
Les dames Veuve Tillier et Docquoy sont autorisés à maintenir en activité le
moulin qu'elles possèdent sur la rivière d'Airaines, dans la commune de
Longpré les Corps Saints.
Article 5
Le point d'eau reste fixé à 1,33m en contrebas du repère provisoire consistant
dans un clou planté dans un trait de scie pratiqué dans un peuplier d'Italie sur
la rive droite à 5m environ en amont de la façade du moulin.
Article 6
Indépendamment de la vanne motrice, il y aura 3 ou 4 vannes de décharge,
présentant ensemble un débouché libre de 3,50m
La sole gravière de ces vannes reste fixée à 0,90m en contrebas du point d'eau à
2,23m en contrebas du repère
provisoire.
Article 7
À la suite du barrage actuel, il sera établi un déversoir de superficie en bonne
maçonnerie couronné de pierre de taille de 4m de longueur et dont la crête sera
arasée au niveau du point d'eau. Dispositions communes aux divers moulins
Article 8
Dès que les eaux dépasseront le niveau légal de la retenue, les permissionnaires
ou leurs fermiers seront tenus de lever les vannes de décharge, de manière à
ramener et à maintenir lesdites eaux à ce niveau.
En cas de refus ou de négligence de leur part d'exécuter cette manœuvre en temps
utile, il y sera procédé d'office à leurs frais par le maire de la commune et ce
indépendamment de toute action civile dont ils seraient passibles pour raison
des pertes ou dommages résultant de ce refus ou de cette négligence.
Article 9
Afin de faciliter à l'avenir les moyens de constater les changements apportés à
la hauteur des eaux, il sera posé à proximité de la retenue sur un point
apparent et de facile accès qui sera désigné par l'ingénieur chargé de
surveiller l'exécution des travaux, un repère définitif et invariable, dont le
point zéro sera mis en concordance avec le repère provisoire ci-dessus désigné,
et auquel seront rapportées toutes les hauteurs des ouvrages hydrauliques.
Il sera fait mention de la pose de ce repère dans le procès verbal de récolement
des travaux.
Article 10
Les permissionnaires seront tenus de se conformer à tous les règlements
intervenus ou à intervenir sur la police et le mode de distribution des eaux de
la rivière d'Airaines.
Article 11
Les permissionnaires et leurs fermiers sont responsables de la conservation du
repère régulateur du point d'eau.
Article 12
Les permissionnaires ou leurs ayant causes seront tenus d'effectuer le curage à
vif fond du bief de leur retenue dans toute l'amplitude du remous toutes les
fois que la nécessité s'en fera sentir ou qu'ils seront requis par l'autorité
administrative, si mieux n'aiment les riverains opérer ce curage eux-mêmes et à
leurs frais, sauf l'application des règlements particuliers et locaux.
Article 13
Les droits des tiers sont et demeurent expressément réservés.
Article 14
Les travaux ci-dessus prescrits seront exécutés sous la surveillance de
l'ingénieur de l'arrondissement, ils devront être terminés dans le délai de 6
mois à dater de la notification du présent arrêté.
Après leur achèvement, cet ingénieur rédigera en triple expédition, aux frais
des permissionnaires et en présence des parties intéressées, le procès verbal de
récolement des travaux...
Fait à l'Élysée, le 24 septembre 1850
Signé L.N. Bonaparte.
Le 16 février 1851, la
municipalité fait le constat suivant : 10 grands moulins à blé, en plein
exercice, font
régulièrement à Longpré chacun 100 hectolitres de farine par semaine. Vingt-deux
usines à huile y déploient une
industrie très active. |
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ci-dessus, le plan de l'usine du sieur François Gauduin en mai
1855, autrefois Tellier Docquoy (AD99S488/4)
En 1904, en bas, la situation a bien évolué, les propriétaires de moulins sont moins
nombreux :
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Il faut aussi parler des 5 moulins situés sur l'Airaines à
Longpré à la limite du territoire de Condé Folie, non loin du confluent de l'Airaines
(appelée l'Eauette) et de la Somme.
Ignace Victor Gallet, Ignace Ducloy père, Ignace Ducloy fils, Charlemagne Gallet,
Boniface Moreau, Louis Lecat,
Michel Tillier, Louis Ducloy et Raphaël Tillier sont propriétaires de 4 moulins
à l'huile et d'un moulin à blé établis à la sortie du village sur la rivière d'Airaines
et mis en jeu par une même chute d'eau. Ils annoncent que le gonflement des eaux
retenues par le barrage de Ventelles de Long construit en 1825 se fait sentir
jusqu'en aval de leurs usines et diminue considérablement leur activité.
En 1858, les propriétaires des usines des 5 moulins négligeant de se conformer
aux conditions du décret du 14 octobre 1852 fixant leurs fonctionnements sont
forcés d'effectuer des travaux à leur déversoir ce qui va interrompre leurs
activités. Ils signalent ainsi que 20 à 30 ouvriers vont ainsi être privés de
leur unique ressource.
En 1885, messieurs Dhée et Boutillier propriétaires des 5 moulins sont autorisés
à rétablir la vanne de décharge. |
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Voici 4 plans datant d'avril 1908, extraits d'un plan de l'Airaines
dressé par le sous-ingénieur Renouard dans le cadre de la création
d'un syndicat de la rivière. (ADS 99S377001). |
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En 1926, M. Maillard donne la liste des moulins sur l'Airaines, en
particulier ceux situés à Longpré |
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1° Moulin Bourgeois (n°20 sur plan),
Réglementé par l'ordonnance royale du 2 janvier 1844.
Chute : 1,40m ; débit : 530 litres ; puissance :7,28 kilowatt
Ce moulin en ruines appartenant à M. Bourgeois Élie d'Allery n'a
jamais fabriqué d'huile.
2° Moulin Gribbling (n°21 sur plan),
Réglementé parle décret présidentiel du 6 juin 1851.
Chute : 1,40m ; débit : 530 litres ; puissance :7,28 kilowatt
Cet établissement devenu la propriété de M. Poultier-Cornu de
Liercourt eut autrefois une batterie d'huile. C'est àprésent un
moulin à farine.
3° Moulin Souverain et Docquoy (n°22 sur plan),
Réglementé par le décret présidentiel du 6 mai 1851.
Chute : 1,26m ; débit : 731 litres ; puissance : 8.04 kilowatt
Cette chute actionnait jadis deux batteries à huile. L'établissement
situé rue de l'ancienne gare a été transformé en atelier
d'ébénisterie.
Ces trois moulins étaient placés sur le bras gauche de l'Airaines.
4° Moulin du Marclet (n°23 sur plan),
Réglementé par l'ordonnance royale du 22 janvier 1844.
Chute : 1,80m ; débit : 400 litres ; puissance :7,06 kilowatt
L'unique roue de cet ancien moulin à huile mettait deux batteries en
marche. Cette usine a disparu
5° Usine Guérin ou moulin de la Grande Rue (n°24 sur plan),
Réglementée par l'arrêté préfectoral du 13 décembre 1855.
Chute : 1m ; débit : 414 litres ; puissance :4,06 kilowatt
Cette chute mettait autrefois en mouvement :
- un moulin à farine, actuellement transformé en un atelier
d'ébénisterie ;
- une batterie à huile, appartenant au sieur Gallet qui ne
fonctionne plus.
6° Usine Clément Louchet (n°25 sur plan),
Réglementée par l'ordonnance royale du 27 mars 1842.
Chute : 0,70m ; débit : 452 litres ; puissance : 3,11 kilowatt
Cet établissement dont la roue actionnait jadis deux batteries
d'huile, devenu la propriété de M. Levis d'Airaines a cessé de
fonctionner.
7) Moulin de l'impasse Jourdain (n°26 sur plan)
Autorisé par décret présidentiel du 14 octobre 1851.
Chute : 0,50m ; débit : 432 litres ; puissance : 2,12 kilowatt
Cette usine hydraulique qui comprenait une roue et deux batteries à
huile il y a cinquante ans, appartient actuellement à M. Docquois et
ne fonctionne plus.
8) Moulin Prévost ou de la rue des Marais (n°27 sur plan)
Autorisé par l'ordonnance royale du 5 juillet 1839.
Chute : 1,40m ; débit : 803 litres ; puissance : 11,03 kilowatt
Cette usine dont la roue actionnait deux batteries à huile a été
détruite par un incendie.
9) Les moulins du Bas, dits les 5 moulins (n°28 sur plan)
Autorisés par le décret présidentiel du 4 février 1851.
En cet endroit, trois roues actionnaient trois batteries d'huile.
Ces huileries et les établissements où elles étaient installées ont
disparu.
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En 1860, les moulins de Longpré étaient en pleine
prospérité, aujourd'hui en l'an 2002, il reste peu de souvenirs
présents, seule la roue du moulin Renouard et Gallet est encore
visible, comme le montre la photo ci-dessous avec le
plan d'implantation de ce moulin datant de 1806 et deux cartes
postales: |
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